Confinement bien…

Pour l’homme de gauche que je suis et -j’ose penser- pour tout individu doté d’une part usuelle de bon sens politique :

  • il n’est pas étonnant qu’un gouvernement de droite, inefficient dans ce qui est en théorie prévu : mettre en œuvre un programme censément efficace et réfléchi en amont, se révèle incompétent face à l’imprévu, le désormais historique et universel coronavirus. « Gouverner c’est prévoir » est évidemment ici, hors sujet.
  • il n’est pas étonnant qu’un gouvernement acquis à l’ultralibéralisme, découvre à l’occasion de cette mise en cause de l’intérêt du plus grand nombre et en l’espèce de la vie même de quiconque, les mérites du service public et à travers lui, les valeurs de solidarité et d’égalité, toujours louées en paroles mais systématiquement bafouées en actes.
  • il n’est pas étonnant qu’une ex-ministre de la santé de ce gouvernement soit elle-même incompétente et irresponsable au point de quitter ses fonctions au pire moment pour des raison électoralistes.
  • il n’est pas étonnant que ce gouvernement décide d’un confinement indolore pour les plus riches qu’il n’a de cesse d’avantager mais désastreux pour les plus pauvres pour lesquels, selon notre éminent président, « on dépense un argent de dingue ».
  • il n’est pas étonnant que ce gouvernement découvre comme par magie « un argent de dingue » en dépit de barrières budgétaires nationales et européennes jusqu’alors strictement infranchissables, au mépris de la misère grandissante des plus nécessiteux, au moment où sa propre survie -au sens propre du terme- est en cause.
  • il n’est pas étonnant que ce gouvernement confiné dans la salle d’attente angoissante d’un second tour municipal insensé, s’empresse, la larme à l’œil, de se raccrocher à la promesse d’un « nouveau monde » désormais inéluctable lequel n’a pourtant reçu de sa part jusqu’à aujourd’hui qu’un profond mépris.

Face à la banalité de ces constats qui consacrent l’indigence de notre gouvernement :

  • il ne serait pas étonnant que les mécontents méprisés hier et adulés aujourd’hui (« petites mains » en gilets jaunes ou pas et autres grévistes à bout -soignants, enseignants- du service public…) contaminent notre démocratie moribonde du virus salvateur de la révolution.

Adèle Haenel : Sans haine, elle…

Le témoignage d’Adèle Haenel sur Médiapart a frappé les esprits. Son empreinte sur la mémoire collective paraît déjà indélébile et entrer définitivement dans l’Histoire. Ces moments présents qui échappent à la fugacité de l’instant en questionnant si profondément notre passé qu’ils semblent gouverner l’avenir, sont rares.

Il y a ces yeux exorbités à la pupille dilatée qui ont vu l’innommable et nous transpercent de leur flamme gris vert. Il y a les mots qui fusent en rafales et nous criblent comme des balles. Il y a une femme qui nous impose sa beauté écrasante pour mieux crier que, justement, cette beauté est hors sujet et la vérité, ailleurs qu’en surface. Il y a tout un corps dont chaque convulsion emprunte avec évidence la voix brûlante de la vérité.

Voyons cette vérité dont la forme aurait les traits de la beauté. Adèle Haenel n’accuse pas un monstre dont elle aurait été la proie. Christophe Ruggia, Roman Polanski ne sont pas monstrueux en dehors de notre propre monstruosité laquelle consiste à refuser de les considérer, avec des yeux écarquillés par l’incrédulité, comme les résultats de notre propre responsabilité. Le père d’Adèle Haenel n’a-t-il pas renoncé de son propre chef à dénoncer le crime commis sur sa propre fille ? Adèle Haenel met en cause la responsabilité de tous dans l’instauration d’un ordre inéquitable entre les sexes dont la femme est plus souvent que l’homme la victime . Le système judiciaire n’échappe pas à cette remise en cause car il concoure à cet ordre. Discrédité, illégitime, il ne peut plus remplir sa fonction sauf à être au préalable réformé. Le juge ne peux dire de sentence lorsqu’elle s’applique indirectement aussi à sa propre personne. Une institution malade, condamnée à  diffuser sa propre contagion, n’a plus de pouvoir de guérison. Punir n’est plus qu’une illusion garante du statu quo. La dénonciation portée par Adèle Haenel atteint les principes fondateurs de la démocratie, dont cette trop fameuse égalité constitutionnelle de tous devant la loi, désignée comme la mystification originelle. Homme politique, tu sers une république boiteuse (j’ajouterais : dont tu es le dernier à tirer des avantages grâce aux privilèges du pouvoir qu’elle t’octroie par délégation suite à la mascarade du vote dit citoyen) : cela doit cesser, nous dit Adèle Haenel.

Elle en appelle au réveil des consciences individuelles anesthésiées par le chant du libéralisme où le refrain de l’intérêt individuel ressassé sans fin s’entrecoupe des couplets du consommer toujours plus. Pourtant, ses yeux plantés dans les nôtres, Adèle Haenel nous assène que je ne peux vouloir ma liberté que si, conjointement, je souhaite la liberté de tous. La liberté individuelle n’a de sens qu’assortie de conscience morale, c’est à dire d’une composante éminemment collective qui revendique l’égalité de tous. Sinon, la liberté n’est qu’une capacité de contraindre proportionnelle aux ressources de chacun et donc soumise aux inégalités sociales qui voient le riche écraser le pauvre. Cette posture profondément sartrienne lui donne soudain cette place naguère occupée par la figure de l’intellectuel engagé lequel a déserté durablement l’espace médiatique.

A l’heure de la dissolution du lien social dans le chacun pour soi, de la disparition de la solidarité morale fondée sur le partage de valeurs communes, de la promotion de l’image de soi par la pathologie du selfie narcissique comme acte existentiel fondateur, tâchons de méditer cette leçon de courage, de discernement, d’engagement citoyen et de responsabilité.

Bien au-delà d’une prise de position uniquement féministe, personne depuis longtemps n’avait montré autant de considération humaniste envers autrui et une telle hauteur de vue politique face à un monde abandonné à un sort d’objet dévoré par les intérêts économiques individualistes mais déserté par une pensée politique soucieuse du profit du plus grand nombre.

Qu’Adèle Haenel n’en finisse pas d’éclairer notre bien médiocre obscurité.

Concours Louvre | Airbnb

Texte proposé dans le cadre du Concours * :

Mona,

Les jours d’impatience, je ne peux attendre. Je cours presque, prenant soin de ne pas me faire remarquer.

Après l’entrée Sully, je file vers les ascenseurs, trépigne en compagnie de touristes joyeux, débouche dans l’aile Denon, avale l’escalier, dédaigne la Grande Odalisque, traverse en somnambule les salles, esquivant les visiteurs, sans égard pour Delacroix ou Raphaël avant de faire irruption dans ton antre.

Majestueuse, tu toises de ton air supérieur l’habituelle troupe bruyante de tes admirateurs. Je m’approche sur ta gauche où je sais accrocher ton regard. Et je rêve.

Ton voile détaché, une oreille dégagée par mes caresses, tu prends ma main et m’offres un sourire scintillant de perles avant de me tendre tes lèvres. Notre amour secret, voilà l’énigme de ton sourire !

A demain !

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Autres textes non proposés :

1/

Florence, 1502

Mona,

Votre époux me commande votre portrait. Je voudrais refuser de peur de nous trahir mais c’est bien sûr impossible. Nous voilà pris dans un piège redoutable. D’abord, il me faut rendre justice à votre beauté. Ma maitrise du sfumato y suffira-t-elle ? Les autres périls sont bien plus terribles encore car ils nous imposent de dissimuler nos sentiments. Saurez-vous contenir notre secret ? Je redoute sinon de capter contre mon gré l’éclat de sincérité naturel de vos yeux et la malice qui redessine malgré vous, votre sourire. Quant à moi, je ne sais si je saurai empêcher mes pinceaux de trahir mes propres émois. Quelle étrange fatalité qu’au lieu d’exalter notre amour, votre portrait doive en être l’inviolable écrin ! Votre Léonard.

2/

Mamona,

J’ai huit ans. Papa me prends sur ses genoux. Il feuillette en le commentant un énorme livre d’images. J’assimile difficilement mais j’éprouve, sans le comprendre, le bonheur du partage. Ce livre, le plus gros de l’étagère interdite de la bibliothèque, surchargée d’ouvrages analogues, papa le connaît par cœur. J’en retiens un prénom, Léonard –j’ai plus de mal avec le nom-, génie selon papa, auteur du plus célèbre tableau au monde, toi. J’ai treize ans. Mon père est artiste peintre. Un de ses tableaux suspendu dans la cage d’escalier est titré Mamona. Comment papa a-t-il pu faire le tableau d’un génie ? J’ai cinquante ans. Papa est mort. J’ai compris des choses. Dans le salon, un tableau et un gros ouvrage me tirent des larmes. Dans mes rêves, Mamona, tu apportes parfois ton sourire.

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*J’accepte de participer au barnum médiatique qui fait de l’art une marchandise et de moi un clown consentant sincèrement épris de littérature.

Boris Cyrulnik, ruine de l’ultralibéralisme ?

Il y a plusieurs façons de le démontrer  : Boris Cyrulnik est un dangereux charlatan.

L’une de ces façons consiste à collecter les faits établissant la mystification sur laquelle repose son statut de scientifique. Odile Fillod le fait avec une méticulosité très étayée et documentée :

Boris Cyrulnik : stop ou encore 1

Boris Cyrulnik : stop ou encore 2

En bref selon elle, le statut scientifique de Boris Cyrulnik est flou et douteux mais pourtant largement relayé par une incompréhensible complicité journalistique et médiatique.

Une autre manière consiste simplement à porter un regard critique sur le moindre des écrits de ce personnage. Le bon sens ordinaire que donne un minimum de raison et d’éthique suffit alors à en extraire quelques évidentes limites.

Son article « Par bonheur, la vie ne manque pas de malheurs » en fournit un récent exemple :

Libération du 27/03, cahier forum, p.VI

L’effort intellectuel à produire pour s’abaisser à un niveau de pauvreté intellectuelle affligeant est éreintant.

Je me contenterai donc des mêmes gros et gras traits qui tiennent lieu ici d’arguments.

Ainsi, la pensée de Boris Cyrulnik peut être résumée en quelques truismes grossiers : le malheur qui ne tue pas rend plus fort ; l’art s’alimente à la source de la souffrance ; la création est une transcendance du malheur… le tout englué dans une mélasse d’assertions hétéroclites, approximatives et confuses (la vie, la mort, Dieu, Néendertal…).

A ce stade, une première conclusion serait : Boris Cyrulnik a une pensée banale de comptoir de café.

Mais sa pensée franchit un autre degré : le malheur est présenté comme une condition nécessaire à l’art. Sans lui, point d’oeuvre artistique : « vous fermeriez les salles de cinéma, vous rendriez inutiles les romans… ».

A ce nouveau stade et sans s’attarder sur l’absence de précisions lexicales (qu’est-ce que le « malheur », le « bonheur » etc.  ?) une seconde conclusion s’impose : Boris Cyrulnik promeut le malheur grâce à quoi l’homme se fait créateur et accède au bonheur. En cela, il épouse très exactement le dolorisme :  » Doctrine qui a donné naissance à un mouvement littéraire qui exalte la douleur en lui attribuant une haute valeur morale, un rôle transformateur et générateur d’activité créatrice  » (Définition cnrtl).

La pensée de Boris Cyrulnik dévoile alors : sa part largement autobiographique ; sa faible portée ; son idéologie (ultralibérale) et une confusion originelle.

  • Part autobiographique : Le dolorisme de Boris Cyrulnik serait un écho parfait de sa propre histoire personnelle fondée sur un traumatisme infantile : la séparation précoce d’avec ses parents morts en déportation et transcendée par la réussite professionnelle. Or, être scientifique ne  consiste par à transformer son histoire subjective, ses déterminismes singuliers, en théorie générale mais à les objectiver pour les dépasser en les intégrant dans un cadre d’analyse élargi. Par ailleurs, être journaliste consiste à dénoncer ces confusions et non pas à les diffuser comme des vérités intangibles comme le fait le journal Libération en organisant son forum du 28/03 ( Libération salon network) autour de Boris Cyrulnik en maître de cérémonie.
  • Faible portée : elle n’explique pas les « malheurs » (la plupart ?) qui en restent là, durent, se perpétuent, se reproduisent et laissent l’homme immobilisé dans son impuissance et une souffrance psychique, affective, sociale, matérielle ou symbolique.
  • Idéologie ultralibérale : faire du malheur le ressort par lequel l’homme se surpasse revient à lui reconnaître des ressources par lesquelles il devient responsable de son sort. On trouve très exactement cette idée au cœur même de l’idéologie politique ultralibérale : rendre l’homme responsable de ce qu’il est pour, dans le jeu de la libre concurrence, légitimer le pouvoir des puissants, culpabiliser les faibles de leurs insuffisances et maintenir le système inégalitaire de domination des premiers sur les seconds.
  • Confusion originelle : elle est de supposer l’existence inconditionnelle de moyens d’action comme si le malheur contenait en lui-même les ressources propres à le combattre. Or, l’existence de ressources (intellectuelles, culturelles, matérielles, affectives, etc.) relève de déterminismes indépendants de la survenue de « malheurs ».

Si « science sans conscience est ruine de l’âme » alors, qui est Boris Cyrulnik qui n’a ni science, ni conscience ?

Une ruine que notre société vénère car elle y contemple son âme.

A quoi sert la politique ?

La politique est une pratique de gouvernement d’une société. Elle est exercée, dans une démocratie représentative, par des élus grâce aux suffrages d’une majorité des hommes constitutifs de cette société qui leur confient la responsabilité de servir l’intérêt du plus grand nombre.

Cette première réponse offre plusieurs zones d’ombre dont une seule pourtant retiendra mon attention. Elle contient un mot qui à mes yeux exige d’être questionné en priorité car il renferme la réponse à notre question de départ : l’Homme.

Qu’est-ce-que l’Homme ?

Cette question n’a pas de réponse immédiate, simple et définitive.Pourquoi ? A cause de la diversité des Hommes. Quoi de commun entre Einstein et Hitler ? Il faudrait, pour répondre, trouver le point commun à tous les Hommes et retenir une définition « moyenne », appauvrie de ce que l’Homme fait de mieux ou de pire. Ce serait absurde. La solution est donc de renoncer à trouver une réponse. Et d’accepter de vivre non pas en tant qu’Homme mais avec l’idée que l’on a de lui.

On peut d’ailleurs être aussi un Homme sans se poser pour autant cette question ou tout simplement, sans savoir y répondre.

Pourtant, nous vivons tous à partir d’une idée de l’Homme ou à l’inverse, notre façon de vivre renseigne sur cette idée. Consciente ou non, l’idée que l’Homme se fait de l’Homme fait de lui… un Homme.

Cette idée de l’Homme nous est apportée par l’Homme que nous sommes et les Hommes que nous rencontrons concrètement ou en imagination (la lecture par exemple, est une rencontre). On peut imaginer que celui qui ne rencontre aucun Homme pensera que tous les Hommes lui ressemblent. S’il est artiste, son idée de l’Homme sera : « l’Homme est un artiste ». Si ce même Homme multiplie les rencontres réelles ou imaginaires, son idée de l’Homme pourrait être : « l’Homme est ou non un artiste ».

Finalement, chacun son idée et ce débat est vain ?

Non. A cause de la vie en société. Vivre ensemble suppose le partage d’une même idée de l’Homme ou tout au moins, d’idées de l’Homme compatibles entre elles.

Or, qui se charge de faire en sorte que les Hommes vivant dans une même société aient des idées de l’Homme qu’ils acceptent de partager ?

Pour moi, c’est la politique. Elle a pour rôle premier de fixer, de proposer explicitement, puis de maintenir une idée de l’Homme. C’est une mission fondatrice de la société qu’elle se propose de gouverner. L’institutionnalisation de cette idée la transforme en quelque sorte en définition « officielle » de ce qu’est l’Homme. Définir et appliquer un programme politique à partir de cette idée est un rôle second.

Or, je considère qu’aujourd’hui la politique n’assure pas ce rôle premier. Les batailles permanentes entre programmes concurrents attestent d’une focalisation insensée sur son rôle second. Plus encore, la diffusion d’idées de l’Homme implicites se trouve favorisée dont certaines peuvent être contraires justement à la possibilité de tout partage, voire même, d’une société. Il en est par exemple ainsi du libéralisme qui, comme je le développerai ailleurs, dissimule selon moi un fascisme.

Ce manquement de la politique à ce rôle premier relève d’un déficit constitutionnel. Une idée de l’Homme acceptée par tous les hommes mais aussi la responsabilité de l’exercice de la politique vis-à-vis de cette idée doivent être clairement affirmées dans une nouvelle Constitution.

Ce manquement explique à la fois le morcellement d’une société orpheline d’une idée commune de l’Homme et le naufrage des gouvernements que je constate avec d’autres en France ou à l’étranger.