Texte proposé dans le cadre du Concours * :
Mona,
Les jours d’impatience, je ne peux attendre. Je cours presque, prenant soin de ne pas me faire remarquer.
Après l’entrée Sully, je file vers les ascenseurs, trépigne en compagnie de touristes joyeux, débouche dans l’aile Denon, avale l’escalier, dédaigne la Grande Odalisque, traverse en somnambule les salles, esquivant les visiteurs, sans égard pour Delacroix ou Raphaël avant de faire irruption dans ton antre.
Majestueuse, tu toises de ton air supérieur l’habituelle troupe bruyante de tes admirateurs. Je m’approche sur ta gauche où je sais accrocher ton regard. Et je rêve.
Ton voile détaché, une oreille dégagée par mes caresses, tu prends ma main et m’offres un sourire scintillant de perles avant de me tendre tes lèvres. Notre amour secret, voilà l’énigme de ton sourire !
A demain !
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Autres textes non proposés :
1/
Florence, 1502
Mona,
Votre époux me commande votre portrait. Je voudrais refuser de peur de nous trahir mais c’est bien sûr impossible. Nous voilà pris dans un piège redoutable. D’abord, il me faut rendre justice à votre beauté. Ma maitrise du sfumato y suffira-t-elle ? Les autres périls sont bien plus terribles encore car ils nous imposent de dissimuler nos sentiments. Saurez-vous contenir notre secret ? Je redoute sinon de capter contre mon gré l’éclat de sincérité naturel de vos yeux et la malice qui redessine malgré vous, votre sourire. Quant à moi, je ne sais si je saurai empêcher mes pinceaux de trahir mes propres émois. Quelle étrange fatalité qu’au lieu d’exalter notre amour, votre portrait doive en être l’inviolable écrin ! Votre Léonard.
2/
Mamona,
J’ai huit ans. Papa me prends sur ses genoux. Il feuillette en le commentant un énorme livre d’images. J’assimile difficilement mais j’éprouve, sans le comprendre, le bonheur du partage. Ce livre, le plus gros de l’étagère interdite de la bibliothèque, surchargée d’ouvrages analogues, papa le connaît par cœur. J’en retiens un prénom, Léonard –j’ai plus de mal avec le nom-, génie selon papa, auteur du plus célèbre tableau au monde, toi. J’ai treize ans. Mon père est artiste peintre. Un de ses tableaux suspendu dans la cage d’escalier est titré Mamona. Comment papa a-t-il pu faire le tableau d’un génie ? J’ai cinquante ans. Papa est mort. J’ai compris des choses. Dans le salon, un tableau et un gros ouvrage me tirent des larmes. Dans mes rêves, Mamona, tu apportes parfois ton sourire.
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*J’accepte de participer au barnum médiatique qui fait de l’art une marchandise et de moi un clown consentant sincèrement épris de littérature.