Un malaise m’assaille à chaque apparition sonore ou visuelle du mot « terroriste » (et de toute sa famille de déclinaisons). L’actuelle prolifération dans les médias de ce vocable fait de ce malaise une douleur permanente. J’ai donc poussé la porte du docteur des mots et voilà ce qu’il m’a dit :
D (Docteur)- Monsieur, vous souffrez d’un manque de définition. Le mot sans définition fait mal. Vous me suivez ?
M (Moi) -…
D – C’est une maladie contemporaine : parler en dépit du bon sens. Le mot désigne un produit qui doit se vendre. L’étiquette doit attirer. Le mot est l’étiquette. « Terroriste » est une étiquette super-vendeuse sur le marché des échanges.
M – Mais, il y en a pas de meilleur ?
D – On s’en fout. Mais… Je suis d’accord…
M – Oui ?!?
D – Vous êtes bien malade. Vous souffrez de la maladie de la distance critique.
M – Ké ?
D – La maladie de la raison.
M -Ki ?
D – Vous êtes intelligent quoi. Hi hi hi hi, ha, ha, ha, ho, ho, ho. Intelligent ! A notre époque ! Hu, hu, hu.
M – L’intelligence, une maladie ?
D – Oui. Grave, profonde, assez belle. J’en ai vu de magnifiques. Mais rare. De plus en plus. Très douloureuse. Pas mortelle. Enfin, pas physiquement. Et pas contagieuse ! Comment l’avez-vous contractée dites donc !?!
M – Je lis ?
D – Vous lisez. Hi hi hi hi, ha, ha, ha, ho, ho, ho. Lire ! A notre époque ! Hu, hu, hu… Il faut arrêter.
M – De lire !?
D – Non, les médias. Alors : un journal papier par jour (pas plus) et c’est tout. Radios, télés, sons et images : poubelle.
M – Je me sens mieux déjà.
D – Alors, vous disiez : terroriste.
M – aïe
D – Pardon (il consulte un énorme ouvrage)… Pour terroriste, j’ai : « malade mental ». Fou, si vous voulez. Il y a de la religion là dedans ?
M – Oui. Enfin, c’est ce qu’ils disent je crois.
D – Alors, fou, c’est pas mal. « Terroriste »…
M – aïe… Dites : tér…ti…to… toto plutôt.
D – toto pluto ?
M – Non, toto
D – Bien. Le mot a toujours une vertu qui inclut et inversement, exclut. Nommer est toujours une approbation dans une catégorie, un groupe, une communauté. Plus la communauté est prestigieuse, plus l’approbation est honorifique. Alors, ici, « toto », vous voyez, donne à celui qui le reçoit, une reconnaissance publique, l’intègre dans notre communauté des hommes.
M – toto est mon égal !?
D- Oui. Il est même placé au-dessus. On ne parle pas de vous ! mais de lui, oui ! La stigmatisation par un terme technique créé spécialement, toto donc, lui confère une plus grande valeur.
M – toto mieux que moi ?
D – Oui. Il est même confirmé dans son identité de sur-homme. Ce qu’il cherche. D’où votre malaise. Toto a gagné, vous avez perdu ! Hi,hi,hi, ho, ho, ho.
M- hu,hu,hu.
D – Voilà pourquoi, fou, c’est mieux (il consulte le gros ouvrage). Alors… r, re, rel, reli… religion. Voilà : « système de pensées qui repose sur la croyance ». Et oui, c’est logique ! Fou, c’est très bon. Toto est fou.
M – Pardon ?
D – On peut dire : toto a perdu la raison.
M – Oui, être fou, c’est perdre la raison.
D – Et aussi, croire c’est renoncer à la raison. Donc un toto croyant est fou doublement en actes et en pensées. Croit-il beaucoup ?
M – Oui, énormément paraît-il.
D – Totalement déraisonnable donc.
M – Complètement barré.
D – Toto est un con parfait.
M – Et d’une immonde violence meurtrière
D – Toto est un dangereux assassin parfaitement con.
M – Un criminel fou furieux. Mais pourquoi ne le dit-on pas dans les médias !?!
D – Quoi donc !?
M – Mais que c’est un taré complet !
D – On confond tout
M – Les cons font tout ?
D – Non, enfin oui. Euh. Il y a con…fusion.
M – Allez, un con de plus.
D – S’il vous plaît. Donc, il y a, disons… amalgame.
M – Ah, super étiquette, ça : amalgame !
D – Oui, très beau produit, au top des ventes ces derniers temps.
M – Pas d’amalgame ceci, pas d’amalgame cela… et patati patata.
D – Le sens est confisqué, les mots lancés comme des cacahouètes. Le sens est interdit.
M – hi hi hi
D – Donc, je disais : il y a confusion. Entre le sentiment et la raison. Toto vocifère le faux en croyant dire vrai alors qu’il a totalement déserté le terrain de la raison. Il erre dans l’erreur intellectuelle mais confond délire sentimental et vérité scientifique. Il se croit Einstein en posant deux et deux font cinq. Il a renoncé à la connaissance et se proclame Diderot !
M – Ah le con ! Et les médias !?
D – Ils relaient la confusion en demeurant prisonniers de l’émotion dans laquelle les a traînés toto. C’est pareil pour les politiques.
M – Ah les cons !!?!
D – La laïcité trace la frontière d’un territoire neutre, celui de la raison commune. Vu depuis ce territoire, toto qui en est exclu, est une aberration, une construction intellectuelle délirante, objectivement erronée.
M – Donc ?
D – Il faut interdire à toto ce territoire public de la raison partagée qu’il occupe indûment, en le renvoyant sur son terrain propre.
E – C’est-à-dire ?
D – Il suffit de l’appeler par son nom. Toto est fou. Son territoire est l’asile d’aliénés où l’on emprisonne l’incapacité sanguinaire de mener une vie privée socialement intégrée. Finie la reconnaissance sociale et donc, terminé l’amalgame fameux avec la religion comme institution sociale.
M – Le mot tue ?
D – Il fait ce qu’on lui demande.Là, ça fera 75€.
M -…