Je vais au cinéma pour le fol enthousiasme qu’il sait produire pour ensuite trouver les mots pour le faire partager. Il me transforme aussi parfois en bloc de glace en mal de décongélation. C’est malheureusement l’effet que Gemini Man a eu sur moi. Les mots sont alors les mouchoirs de ma peine ou les coups de poings de ma colère. Ici, un peu les 2.
Comme la plupart, je n’ai pas échappé au marketing promotionnel braqué sur les 2 prouesses techniques du film : 1) Will Smith confronté à son double numérique rajeuni de 20 ans 2) la prise de vue en 120 images/s (au lieu des 24 usuelles). Comme ces 2 arguments flattent mes propres intérêts, me voilà décidé en dépit de mon goût modéré pour Ang Lee (à cause de son affectation sirupeuse et -surtout ?- ma rancune tenace -exagérée ?- liée au ratage de son Hulk).
Et me voilà donc transformé en glaçon. J’ai mâché ce film comme un chewing-gum que fatalement, on recrache : le scénario avance au rythme poussif de sa linéarité ; son propos est aussi inintéressant que peu convaincant ; des scènes bavardes et statiques ponctuent une poignée de scènes d’action aujourd’hui banales… Enfin, la confrontation tant vantée entre Will Smith et lui-même jeune sonne faux et ne suscite aucune émotion malgré les larmes continuelles qui noient les yeux du clone numérique. Seules quelques images résistent aux conventions : l’originalité de la course de motos, une fusillade très dévastatrice, la fluidité du combat final…
Fallait-il ce gâchis pour rappeler quelques règles basiques : 1) un film est bon lorsqu’il raconte une bonne histoire 2) la technique est toujours un moyen au service du point précédent.
On peut par ailleurs s’étonner de l’utilité d’un tel déploiement de technicité. Était-il si inconcevable de trouver un vrai sosie de Will Smith ? A quoi bon ces 120 images/s pour aussi peu d’effets visuels perceptibles (pour mon œil en tout cas). Il est tentant de répondre que l’existence d’un tel film repose uniquement sur le pari de la réussite d’une campagne promotionnelle axée sur la technicité d’un produit. Appelons ça du commerce mais pas du cinéma.
Vive le cinéma !